Seule région française à avoir développé des savoir-faire reconnus dans tous les domaines du luxe, la Bourgogne-Franche-Comté brille à l’international grâce à son art de recevoir et de vivre, mais aussi grâce à la qualité exceptionnelle de ses créations. Pour ce dossier spécial luxe, l’Agence Économique Régionale, véritable bras armé du Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, dévoile nos savoir-faire d’exception.
Décideur. Les missions de l’Agence Économique Régionale Bourgogne-Franche- Comté sont nombreuses. Pouvez-vous nous les détailler ?
Jean-Claude Lagrange. L’Agence Économique Régionale de Bourgogne-Franche-Comté a été créée après la fusion des deux régions. Marie-Guite Dufay a décidé alors, en 2017, qu’il n’y aurait plus qu’une seule agence. Elle est composée de 48 personnes, basées physiquement à Besançon et à Dijon, mais avec des représentants dans tous les départements. L’agence a pour mission de fidéliser les entreprises déjà implantées sur notre territoire et de prospecter en France et à l’international pour en attirer de nouvelles. Nous sommes là pour faciliter la vie des entreprises de Bourgogne-Franche-Comté en les aidant dans leur développement, leur innovation, leur transition écologique et leur implantation. Notre objectif est d’accompagner et de soutenir le développement économique, l’emploi et l’attractivité économique des huit départements de la région.
Martine Abrahamse-Pleux. La Bourgogne-Franche-Comté est à la cinquième place en matière d’attractivité des investisseurs internationaux. Nous suivons un peu plus de 1000 entreprises dans la région, nous implantons environ 90 entreprises par an et environ 150 projets d’investissement direct étranger.
« Nous sommes là pour faciliter la vie des entreprises de Bourgogne-Franche-Comté ». Jean-Claude Lagrange, Conseiller Régional et président de l’AER BFC.
Dans l’inconscient collectif, la Bourgogne- Franche-Comté ne rime pas forcément tout de suite avec le luxe. Et pourtant… Que représente réellement cette filière en BFC ?
M.A-P. Dans notre région, nous comptons de nombreuses filières stratégiques, comme l’alimentation, l’industrie, la santé – avec un particularisme sur les bio-thérapies –, la mobilité, l’énergie, l’hydrogène, la logistique et le numérique… La filière luxe et savoir-faire d’exception fait partie de ces filières stratégiques. Elle rassemble 480 entreprises, dont une centaine labellisées Entreprise du patrimoine vivant (EPV). Cela représente 15.000 emplois et 1000 artisans d’art. La Bourgogne-Franche-Comté, c’est avant tout la lunetterie, l’horlogerie, la bijouterie, la joaillerie, l’orfèvrerie, mais aussi la maroquinerie, qui connaît aussi un fort développement. C’est donc un tissu industriel dense, porteur de savoir-faire d’exception et constitué principalement de PME, dont beaucoup travaillent des composants ou des produits de sous-traitance micro-techniques.
J-C.L. À ce luxe de l’objet, s’ajoute le luxe expérientiel au travers des arts de la table, de la gastronomie, mais aussi le patrimoine d’exception avec pas moins de huit sites classés au Patrimoine mondial de l’Unesco. La Bourgogne-Franche-Comté possède un tissu économique principalement composé de PME, expertes dans de nombreux métiers, qui fabriquent dans la plus grande discrétion des composants, voire des produits, pour les plus grandes marques mondiales. Celles-ci, attirées par une main-d’œuvre formée et par des laboratoires de recherche spécialisés, ont implanté ici des sites de production et d’innovation.
Pour entrer dans le détail, comment se segmente cette filière ? Et quels sont ses chiffres-clés ?
J-C.L. Pour parler de la segmentation de la filière, nous sommes souvent considérés comme un territoire qui accueille beaucoup de sous-traitance, c’est vrai. Cela fait partie de notre savoir-faire, que ce soit en horlogerie ou en lunetterie. Et ces activités connaissent un fort développement. Si la sous-traitance s’est ainsi développée, c’est parce que notre région est reconnue pour ses compétences en matière de micro-techniques. Le salon spécialisé Micronora se tient tous les deux ans à Besançon et nous sommes aussi présents à l’EPHJ, qui est la grande place de la haute précision à Genève. Pour autant, nous commençons aussi à être identifiés par des marques propres qui aimeraient s’installer en Bourgogne-Franche-Comté. Si on segmente un peu les choses en termes d’emploi par exemple, les arts de la table représentent environ 550 personnes ; la bijouterie-joaillerie, ce sont 1000 personnes aujourd’hui, mais probablement 1500 personnes d’ici deux ans. En horlogerie, nous sommes quasiment à 4000 personnes, dans la lunetterie 900, la maroquinerie 3500. Dans la sous-traitance industrielle, 900 personnes travaillent dans la fabrication de pièces métalliques, 400 pour la filière pierre de Bourgogne. Le textile est aussi un secteur très important, surtout pour tout ce qui est lié à l’hôtellerie et là nous comptons plus de 1500 salariés. Pour le reste, ce qu’on appelle le « divers luxe », on dénombre environ 3500 personnes.
« La Bourgogne-Franche-Comté est à la cinquième place en matière d’attractivité des investisseurs internationaux ». Martine Abrahamse-Pleux, directrice de l’AER BFC.
Quels sont les atouts de la région pour l’attractivité de cette filière ?
M.A-P. L’un de nos atouts majeurs reste notre accessibilité, avec par exemple 15 allers- retours TGV Dijon-Paris par jour en 1h35. Mais, c’est surtout notre ADN industriel qui est marquant : 30% de nos cadres travaillent dans l’industrie, contre environ 15% au niveau national ; 23,5% de nos salariés travaillent dans l’industrie, contre 15% en France. Il y a aussi la qualité de notre enseignement supérieur et de notre recherche, ainsi que notre qualité de vie.
J-C.L. En Bourgogne-Franche-Comté, étudiants et apprenants peuvent compter sur des formations riches, ouvertes sur le monde de l’entreprise et centrées sur ses besoins. Cela va commencer dès l’enseignement secondaire, avec de nombreux lycées qui offrent des formations techniques et professionnelles sur les savoir-faire d’excellence. Nous pouvons par exemple citer le lycée Edgar Faure à Morteau, spécialisé dans l’horlogerie et la joaillerie. Nous avons véritablement un écosystème « formation et enseignement supérieur » lié aux métiers du luxe. Nous avons une licence luxe et micro- techniques qui s’est par exemple développée à Morteau et qui est toute récente. Un partenariat est d’ailleurs noué entre cet organisme de formation et les entreprises de la région. Le cursus « luxe et précision » de Supmicrotech-ENSMM de Besançon est une formation d’ingénieur par apprentissage. Il faut citer aussi l’Institut supérieur des beaux-arts, présent à Besançon, et l’École Nationale Supérieure d’Art de Dijon.
Depuis 2019, l’AER est partenaire du Sommet du luxe. Que pouvez-vous nous dire de cet événement ?
M.A-P. Nous avons engagé depuis trois ans une convention avec le Centre des talents et du luxe. Nous sommes présents au Sommet du luxe qu’ils organisent chaque année à Paris, pour montrer notre écosystème du luxe et attirer de nouveaux projets en Bourgogne- Franche-Comté. Le prochain Sommet du luxe, au cours duquel sont remis les Talents du luxe, a lieu le 28 mai 2024. Lors de cet événement, la région est fortement représentée, elle y bénéficie d’une très belle visibilité. Deux territoires seront aussi présents, le Grand Besançon Métropole et le Val de Morteau. Pour les Talents du luxe, nous avons toujours une dizaine de nominés et, l’an dernier, nous avons eu trois lauréats. C’est une belle récompense pour la région et cela donne l’occasion de mettre en avant notre écosystème.
La Manufacture Meynier
Le Jura est le berceau de la tournerie sur bois et des métiers de l’usinage. La Manufacture Meynier, fondée il y a maintenant plus de 100 ans, en est sûrement l’un des plus illustres représentants. À sa tête, Thomas Gruget, un homme passionné, a repris l’entreprise, en 2022, à Jacques Meynier, représentant de la troisième génération à la tête de cette société éponyme. « Dès la création de l’entreprise en 1923, la famille Meynier a décidé de se spécialiser dans la fabrication de boutons. Au fil des années, l’activité s’est adaptée. Tout d’abord à l’arrivée des matières synthétiques, notamment la résine. Ensuite, il y a eu la délocalisation massive des activités textiles et de l’habillement. L’entreprise Meynier a finalement réussi à se maintenir en diversifiant son activité et en s’orientant vers le marché du luxe. » Aujourd’hui, les boutons estampillés Manufacture Meynier trouvent leur place dans les maisons de couture françaises les plus prestigieuses. « Nous avons les savoir-faire, les matériaux et la réactivité qui permettent de répondre à la créativité de nos clients ; à l’inverse, nous sommes aussi proactifs et nous pouvons aussi leur suggérer des idées. » Une entreprise jurassienne de 30 salariés qui murmure à l’oreille des plus grands du luxe, ça en impose. D’autant que la Manufacture Meynier ne fait pas que dans le bouton – qui représente environ 20 % de son chiffre d’affaires : elle produit aussi des accessoires pour la maroquinerie, des bouchons pour des flacons de parfums, des pièces de bijouterie, des packagings et des objets publicitaires. « Autre enjeu important pour nous : l’incorporation du raisonnement écologique dans la conception de nos pièces. Nous nous efforçons de proposer des solutions et des matériaux plus écologiques. »
La Manufacture Meynier – 97, rue du Bourg Dessus, 39170 Lavans-lès-Saint-Claude – 03 84 42 12 84 – meynier.com
La Manufacture de Longchamp
Quand la haute couture et la céramique s’entremêlent, le résultat est somptueux. Soutenue par l’audacieux Philippe Orliac, la Manufacture de Longchamp a su préserver un patrimoine régional vieux de plusieurs siècles. Une histoire commencée en… 1366 avec une briqueterie qui fabriquait des carreaux et des tuiles en argile. Fondée bien plus tard en 1832, la manufacture de Longchamp se spécialise rapidement dans la production des assiettes. Aujourd’hui, elle s’installe sur une niche haut de gamme, celle des arts de la table, en particulier à destination de l’hôtellerie-restauration, dont beaucoup d’établissements étoilés. « J’ai relancé l’entreprise à Longchamp en 2016. Pendant le confinement, nous avons mis au point nos collections emblématiques comme les assiettes “fermeture éclair”, des assiettes fendues, des modèles “cuir” qui deviendront par la suite nos pièces signatures. » Une singularité qui permet à la manufacture de s’affranchir de toute concurrence. À la croisée de la tradition et de la modernité, Philippe Orliac met un point d’honneur à préserver ce travail manuel de qualité.
La Manufacture de Longchamp – 2A, allée du Petit Pont à Longchamp – 06 35 53 23 93 – manufacturedelongchamp.com
Le luxe de l’objet et de l’expérience
Horlogerie
Première région horlogère de France (60% des effectifs nationaux, 34% des établissements, 4000 salariés) – Avec ses près de 50 entreprises et plus de 2000 salariés, la Bourgogne-Franche-Comté est la première région horlogère de France. Le Haut-Doubs est incontestablement le berceau de l’horlogerie à la française, juste à proximité de la frontière suisse. Son histoire, son organisation sociale et son architecture urbaine sont depuis plusieurs siècles marquées par l’économie horlogère. Au XVIIIe, des ébauches aux horloges, des aiguilles aux pendules, des couronnes aux montres et des mécanismes aux baromètres, les fermes ateliers créent les machines et les outils nécessaires à la production des pièces d’horlogerie. Depuis, les savoir-faire horlogers ont donné naissance à un tissu dense de petites entreprises dont l’habileté et l’ingéniosité sont toujours très recherchées. Aujourd’hui, deux musées horlogers sont d’ailleurs présents sur le territoire du val de Morteau : le musée de l’Horlogerie à Morteau et le musée de la Montre à Villiers-le-Lac. C’est une histoire de longue date entre Besançon et l’art du temps. Plus précisément depuis la fin du XVIIIe siècle, lorsque des horlogers suisses s’installèrent dans la capitale franc-comtoise pour ouvrir leurs premiers ateliers. C’est surtout grâce à la création d’une manufacture d’horlogerie, à cette époque, par le Genevois Laurent Mégevand, que Besançon deviendra la capitale de l’horlogerie française. Malgré une période de crise, dans les années 1970, l’horlogerie reste tout de même très présente dans la ville, avec de très grandes marques, et voit se développer une nouvelle génération d’horlogers bien décidés à écrire une nouvelle page de l’histoire horlogère bisontine.
Bijouterie – joaillerie
1500 salariés à horizon 2026, 41 établissements – Dans le sillage de l’horlogerie, la bijouterie-joaillerie s’est développée dans la région de façon non négligeable. À la fin du XIXe siècle, le travail du diamant et des pierres précieuses a donné naissance à une industrie diamantaire qui a employé près de 1 500 ouvriers. Aujourd’hui encore, d’anciens ateliers continuent de perpétuer le savoir-faire bisontin et régional.
Lunetterie
900 salariés, 44 établissements – Les lunettes existent depuis des siècles et des siècles, mais il est, au cœur des montagnes françaises, un lieu historique où le savoir-faire lunetier s’est développé : le Haut-Jura. Progressivement, les ateliers à domicile se métamorphosent en petites entreprises, puis en industries spécialisées qui font rayonner et briller l’artisanat français. Pas étonnant dès lors que de grands créateurs français comme Sabine be et Plein les Mirettes aient choisi de faire confiance à des entreprises de lunetterie jurassiennes. Parmi les lieux incontournables, Morez est la capitale internationale de la lunette et Moirans-en-Montagne celle du travail du bois. Quant à Saint-Claude, elle fut celle du diamant.
Maroquinerie
4000 salariés à horizon 2026, 44 établissements – À partir de 1752, les horlogers suisses s’installent dans le comté de Montbéliard, venant ainsi compléter les activités agricoles, métallurgiques et textiles qui dominaient alors l’économie. Les habitants se forment, s’installent sur leurs terres et commercent avec la Suisse. Depuis le XIXe siècle, l’automobile a remplacé l’horlogerie. En 2013, l’annonce de la création de deux nouvelles manufactures par Hermès apporte une nouvelle diversification dans la stratégie économique : le pays de Montbéliard devient « pôle maroquinier ». Soutenue par les collectivités, la constitution de ce pôle, qui vise l’excellence, s’appuie très fortement sur son offre de formation. Au XXIe siècle, la maroquinerie connaît une croissance soutenue. Au cœur de l’Auxois, en Côte-d’Or, en Haute-Saône ou au milieu des sapins du Doubs, les ateliers se créent et prospèrent.
Arts de la table
550 salariés, 16 entreprises – Bien recevoir, c’est tout un art, et pour cela, la Bourgogne-Franche-Comté est reine. À commencer par la Nièvre, l’un des hauts-lieux de la céramique depuis le XVIe siècle. À titre d’exemple, la commune de Saint-Armand-en-Puisaye bénéficie d’un sol offrant une argile d’une grande qualité, ce qui fait d’elle un centre important de l’industrie de la poterie. Au début du XXe siècle, la région de Digoin et de Paray-le-Monial, baptisée « vallée de la céramique », abritait une quarantaine de manufactures. Dans cet esprit, des créateurs s’appuient sur le travail traditionnel, comme la Manufacture de Digoin, la Faïencerie Georges à Nevers ou encore la Manufacture de Longchamp, pour créer des modèles innovants et au goût du jour. Le verre trouve aussi ses lettres de noblesse sur le territoire en étant travaillé depuis le XVe siècle à Passavant-La-Rochère.
Gastronomie
65 hôtels classés luxe (4 ou 5 étoiles), 36 restaurants étoilés. – Il ne pouvait en être autrement. Avec un tel héritage culturel, reconnu par l’Unesco, Dijon est aujourd’hui devenue l’une des plus grandes ambassadrices de la gastronomie en France et dans le monde. La capitale des ducs de Bourgogne se singularise en mettant en avant le patrimoine culinaire français grâce à sa Cité internationale de la gastronomie et du vin. Elle valorise aussi avant tout la culture du vin, et plus précisément les fameux Climats du vignoble de Bourgogne, grâce à l’une des plus grandes caves du monde, riche de plus de 3000 références. Le groupe Vatel, leader mondial dans l’enseignement de la gestion de l’hôtellerie et du tourisme, s’implante en Bourgogne, en inaugurant un campus réparti sur deux sites, l’un à Quetigny et l’autre à Dijon. Il accueillera près de 450 étudiants désireux de se former aux métiers de la restauration, de l’hôtellerie et de la cuisine. Et puis comment oublier la célèbre route des grands crus ? La Bourgogne se révèle enfin avec un centre d’interprétation des Climats et sa Cité des vins : 14 hectares entièrement dédiés aux précieux breuvages bourguignons, une tour de 22 mètres, des restaurants éphémères avec de prestigieux chefs aux commandes, et bien sûr la possibilité de déguster quelques-uns des 1247 Climats.