DFCO : objectif Ligue 2

Rédigé le 07/01/2025
par Aurélie Boudenia

Le premier gère la restructuration économique en arrière-plan, le second, sur le bord du terrain, s’occupe de la reconstruction de l’équipe, Pierre-Henri Deballon et Baptiste Ridira font tout pour que le DFCO brille de nouveau. Interview avec les deux hommes forts du club dijonnais.

Décideur. Le DFCO a passé sans encombre les auditions de la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG). Votre plan économique a-t-il eu un impact sur les décisions du « gendarme financier » ?

Pierre-Henri Deballon. La DNCG ne juge pas sur le retour à l’équilibre du club, mais sur sa capacité à trouver des ressources nécessaires pour payer tout le monde. J’ai montré une intention de revenir à un modèle rationnel et apporté les garanties financières qui permettent la continuité d’exploitation. Le club ne peut pas dépendre d’argent magique. Le club a vécu sur un dimensionnement différent avec la Ligue 1 qui n’est plus possible aujourd’hui. Il faut revenir à une forme de réalité en trouvant des partenaires et en remplissant le stade pour augmenter les revenus ; mais aussi en dépensant mieux. Si on gagne un euro, on en dépense un et pas deux. Cette rationalité, c’est aussi une forme d’honnêteté vis-à-vis des partenaires et collectivités qui nous soutiennent. On a réduit la masse salariale de 30% et on a pourtant de meilleurs résultats que l’année dernière.

Comment comptez-vous remplir le stade ?

Le spectacle doit être de qualité. L’équipe et les joueurs doivent dégager des valeurs positives par des actions concrètes sur le terrain ; en se montrant solidaire et en « mouillant le maillot ». On a aussi amélioré l’expérience une heure avant, pendant et une heure après le match, pour faire en sorte que le stade devienne un lieu de sortie, de rencontres et de souvenirs, non seulement pour les fans de foot, mais aussi pour les familles, les amis et les collègues. On a revu à la hausse la qualité de la restauration et on a équipé le stade en distributeurs automatiques pour diminuer le temps d’attente en buvette.

Quelle est la place de vos partenaires dans ce projet ?

Elle très importante ! On veut travailler avec des partenaires qui ont envie d’associer leur entreprise à des valeurs qui sont celles d’un club qui gagne et renvoie une image positive de la ville. C’est un cercle vertueux ! Le sportif remplit le stade et attire de nouveaux partenaires qui permettent de renforcer les fondations
du club. C’est nécessaire compte tenu des infrastructures, des dépenses et des ambitions du DFCO.

Avec le problème des droits TV, n’est-ce pas un mal pour un bien de se reconstruire en National ?

Même si cela peut être une opportunité, le DFCO doit remonter en Ligue 2 au regard de ses infrastructures et de ses dépenses. Avec ses affiches, la Ligue 2 est beaucoup plus bankable auprès de nos partenaires et du public. Cela permet de remplir le stade, de faire des recettes sur la billetterie, le food and beverage et les partenariats. Les droits TV permettaient une gestion moins rigoureuse ; mais cet argent n’étant plus là, on est obligé d’être efficient. En start-up, j’ai toujours fait beaucoup avec peu jusqu’à rivaliser chez Weezevent avec des concurrents qui avaient levé près de 1 400 fois plus de fonds. C’est cette culture que j’essaie d’instituer aux équipes. Cela nous force à être malin et disruptif, et à repousser nos limites.

Les nouvelles recrues, toutes arrivées sans transfert d’argent, ont été extrêmement importantes dans les résultats du DFCO. Puisqu’il s’agit de faire mieux avec moins, comment travaille la cellule de recrutement ?

On est attentif aux opportunités. Il s’agit de convaincre des joueurs par le projet. Ce qui est certain, c’est qu’il n’y aura pas de transfert payant avant un retour à meilleure fortune en Ligue 2. Cette année, il y a de bonnes et très bonnes surprises avec des joueurs que l’on a recrutés de cette façon. On s’engagera déjà sur le salaire des joueurs que l’on peut recruter ; un recruteur est particulièrement focalisé sur le sujet. On travaille aussi avec un réseau de clubs et de détection pour repérer les joueurs. On pense déjà aux renforts qui pourraient nous rejoindre l’été prochain, notamment devant où l’on sent qu’il manque un joueur qui pourrait faire la différence, mais il ne faut pas non plus tirer un trait sur ceux qui sont dans l’effectif. L’idée est de leur permettre d’atteindre leur potentiel et de les mettre en confiance. En interne des joueurs sont également en train de se révéler et de prendre de plus en plus d’ampleur.

« Je compte faire tout l’inverse du football de la multipropriété (…) Il faut revenir à une forme de réalité économique et de simplicité, ainsi qu’à des valeurs fortes avec un ancrage local » Pierre-Henri Deballon, président du DFCO.

Est-ce que vous allez vous appuyer sur le centre de formation ?

En équipe première, plusieurs joueurs sont passés par le centre de formation ou sont encore en formation. C’est le fruit de tout le boulot qui a été réalisé par le passé et de nos infrastructures. Mais on a aussi le besoin de renforcer l’équipe avec un joueur qui a déjà l’expérience du National et qui est capable d’apporter une plus-value immédiate.

Le mélange d’expérience et de jeunesse en équipe professionnelle est-il une formule qui marche ?

Oui, y compris dans le monde de l’entreprise d’après mon expérience. Il faut avoir l’énergie, la folie et le talent de la jeunesse, pour l’associer au calme et à l’expérience de joueurs plus aguerris. Surtout, on a voulu des footballeurs qui croient au projet collectif, et pas seulement en leur projet individuel. C’est ce qu’ont apporté les nouveaux, notamment ceux que l’on appelle des joueurs de vestiaire qui, en plus d’être bons, ont prouvé qu’ils sont capables d’avoir un esprit de révolte. Dans plusieurs discours que j’ai entendus, ces joueurs d’expérience ont rappelé aux jeunes la chance qu’ils avaient de faire ce métier et qu’ils devaient en profiter car une carrière sportive ne dure pas longtemps. Ils leur ont aussi rappelé qu’un match se joue sur le moment à 3 000 %, et pas dans les vestiaires après coup. Le National est un championnat d’abnégation qui se joue beaucoup dans la tête. Bien sûr, il faut du talent, mais c’est un championnat qui est dur physiquement. À chaque journée, on peut gagner ou perdre contre tout le monde, y compris contre la dernière équipe au classement. On a créé un collectif avec des joueurs qui avaient de la bouteille par rapport à cela.

Vous soutenez la création d’une Ligue 3. Au- delà du changement de nom, quels seraient les atouts de ce championnat ?

Il y a un enjeu marketing, mais aussi opérationnel. Pour l’équité sportive, c’est faire en sorte que les droits attribués aux clubs de National soient identiques pour tous. En 2025, un club professionnel comme le DFCO qui resterait dans ce championnat cesserait d’avoir les mêmes droits et perdrait 350 000 euros. Il y a aussi un enjeu marketing. Avec le passage à 18 clubs en Ligue 1 et en Ligue 2, le National se retrouve avec plus de clubs professionnels ; ils sont pas moins de dix cette saison. Il faut développer cette Ligue 3 et créer un championnat professionnel comme en Angleterre.

Face au football de la multipropriété, quel modèle comptez-vous proposer ?

C’est compliqué pour un supporter de s’attacher à un actionnaire d’un autre pays, qui n’a pas du tout les mêmes valeurs et la même histoire. Bien sûr, il vient avec beaucoup d’argent pour recruter et contenter les supporters. Le spectacle proposé peut être tellement attrayant que l’on peut en oublier qui est propriétaire. Mais la multipropriété, ce sont des gens qui sont là pour gagner de l’argent. Il ne faut pas se dire autre chose : quand un Américain achète un club en Angleterre, et un ou plusieurs autres en France, en Italie ou en Espagne, il ne le fait pas pour les beaux yeux de ces villes et de ces clubs. Il y a un projet financier derrière. Je compte faire tout l’inverse, en proposant un projet local avec un modèle dans le temps long, ne reposant pas sur l’argent magique d’un investisseur externe. Il faut revenir à une forme de réalité économique et de simplicité, ainsi qu’à des valeurs fortes avec un ancrage local. Je suis convaincu qu’on sera capable à moyen terme de proposer une histoire différente et locale, dans laquelle les gens pourront se reconnaître.

Le football est-il une industrie à part ?

Oui, le football est une industrie complètement déconnectée de la réalité. Cette déconnexion est très certainement liée à toute cette aura médiatique qui donne l’impression qu’un club de foot n’est plus une entreprise. Mais on est une entreprise ! On a des dépenses et des recettes, et on doit satisfaire nos clients que sont les collectivités, les partenaires, les spectateurs et tous les usagers qui profitent du club d’une manière ou d’une autre. On doit donc être irréprochable au niveau des valeurs. Il faut également être transparent et performant sur la partie des dépenses : on doit être en capacité de les maîtriser pour assurer la pérennité du club. L’enjeu est de faire revenir ce secteur d’activité un petit peu fou à la réalité d’une entreprise ; avec une spécificité qui est bien évidemment le sport. Un club n’est pas une entreprise classique, on n’est pas là pour gagner de l’argent, mais on ne peut pas en perdre sans conséquence.

Vous pensez que l’industrie du football reviendra à certaines réalités économiques ?

Je pense que le secteur changera par la force des choses, notamment en France avec les droits TV. Le modèle purement financier avec de la dette et des investisseurs externes n’est pas une garantie pour que les clubs puissent rester debout, on l’a vu à Bordeaux. C’est d’ailleurs une bonne chose que cela évolue, parce que c’était jusque- là le règne de l’argent fou. Je souhaite que l’on revienne à un football beaucoup plus simple. On a perdu nos valeurs et le sens de ce que l’on faisait : donner du plaisir aux gens. Mais je pense que l’on doit aussi revenir à un football exemplaire. Les dérives aux bords des terrains de foot sont malgré tout un reflet de la société. Ces tensions dans la société, on les ressent dans les stades.

Le DFCO Féminin performe. Quel regard portez-vous sur cette section ?

À la mi-saison, l’équipe est quatrième. Je suis très fier d’elles. Je ne fais aucune différence avec l’équipe masculine. Le foot féminin performe très bien à Dijon avec de très beaux résultats. Mais malheureusement, on n’a pas d’autre choix que d’équilibrer ce budget comme on essaye de le faire avec toutes les autres sections du club. Il n’est pas question d’arrêter la section féminine. En revanche, il est question de dépenser l’argent que l’on a et d’arrêter de dépenser l’argent que l’on n’a pas.

Le défi est de trouver un équilibre entre l’économie, l’humain et le sportif, en somme ?

Oui. L’idée finale est de donner du plaisir aux gens et qu’ils soient fiers de leur équipe. Mais pour cela, l’équipe doit encore exister. Il faut revenir à un modèle économique plus sain et à une forme d’humilité avec moins de salariés, moins de luxe et moins de confort. On doit se remettre un peu en difficulté. C’est ce que j’ai fait en reprenant le club, il faut que dans le club les gens le fassent aussi. On doit repenser toutes nos actions et leur réalité économique parce qu’il n’y a pas d’argent magique. On doit créer nos revenus et maîtriser nos dépenses. Aujourd’hui, le club a 13 millions d’euros de budget, pour 6 millions de recettes… Cela ne peut pas marcher !

De quelle fin de saison rêvez-vous ? Une remontée en Ligue 2 d’ici l’année prochaine, ou d’ici trois ans ?

Mon objectif n’est pas de remonter dans trois ans, mais de se donner trois ans pour remonter. Il le faut, sinon on aura un gros pépin financier. On fait tout pour revenir en Ligue 2 dès cette année. Si ce n’est pas cette année, il faut que ce soit l’an prochain, et si ce n’est pas l’an prochain, on aura une dernière tentative dans trois ans. J’en ai l’ambition et l’équipe peut le faire. Mais cela ne se décrète pas, c’est à nous de prouver que l’on mérite notre place en Ligue 2.


Entretien avec Baptiste Ridira, entraîneur du DFCO.

Décideur. Au terme de la mi-saison, quels sont pour vous les atouts de votre équipe et les axes de progression pour la seconde partie de saison ?

Baptiste Ridira. On s’appuiera sur la stabilité de notre structure défensive, qui nous permet de ne pas encaisser trop de buts. Puisqu’elle est précieuse, il faut continuer de la travailler. Il faut aussi que l’on développe notre capacité à être efficace offensivement, et que l’on soit encore plus costaud sur la deuxième partie de saison, parce que l’on naviguera un petit peu moins caché. Compte tenu de l’histoire du club, on fait partie de ces équipes qui sont déjà attendues sur les différents terrains ; et par rapport à ce que l’on a prouvé depuis le début de saison, plus d’équipes se méfieront de nous.

« Au DFCO, encore plus qu’ailleurs, on a la chance d’avoir des infrastructures incroyables et des habitudes de travail liées au très haut niveau » Baptiste Ridira, entraîneur du DFCO.

Quelle est votre vision du football ?

Ce n’est un secret pour personne, je préfère avoir le ballon que de le laisser. Le jeu de possession permet de mieux défendre en gardant le ballon, mais cela ne doit pas conduire à la passe pour la passe. J’ai aussi envie d’un football efficace avec une équipe qui reconnaît les espaces et prend des risques pour déséquilibrer l’adversaire. Elle doit pouvoir défendre en avançant afin de récupérer le ballon le plus proche du but adverse, et réaliser des transitions verticales et rapides.

Quels sont vos objectifs cette saison ?

En championnat, le club ne se met pas de pression, il est viable sur l’aspect structurel et financier pour deux autres saisons en National. Cette sérénité, qui ne doit pas être un coussin sur lequel on s’endort, doit nous permettre d’évacuer la pression et de nous focaliser sur notre projet de jeu et notre capacité à être encore plus performant. Mais, j’aime avoir l’idée de faire mieux que l’année passée. Si on fait mieux que l’an passé, on serait troisième, ce qui nous positionnerait sur une place de barragiste.

On dit que le National est un championnat d’abnégation où tout le monde peut battre tout le monde. Cela se jouera-t-il dans la tête jusqu’à la fin de la saison ?

Je n’ai pas le sentiment que ce soit différent dans d’autres divisions, même si le PSG survole la Ligue 1. Il n’y a pas de championnat facile à gagner ou dans lequel il soit aisé de se maintenir. Le National est un championnat très dense et compliqué en raison de sa composition et du manque d’aide financière et de droits TV ; il n’en reste pas moins un championnat de très haut niveau où il n’y a pas non plus d’écart immense entre les équipes. C’est ce qui fait qu’il est plaisant à regarder : il y a des vrais duels et des surprises.

Le contexte économique et la restructuration du club ont-ils impacté vos performances sportives ?

Non. Cela n’a pas eu d’impact puisque la régulation qui devait être faite au niveau financier l’a été dès le départ à la reprise du club. Les efforts ayant déjà été réalisés au début de la saison pour réduire la masse salariale de l’équipe masculine, aucun effort supplémentaire n’était prévu au sein de l’effectif pour amener une économie financière en cours de saison.

Les nouvelles recrues ont été extrêmement importantes dans les résultats du DFCO. Quel est votre rôle dans le recrutement ?

Mon rôle est de valider les profils in fine. Il n’y a qu’un joueur qui avait signé avant mon arrivée et sur lequel je n’ai pas pu donner mon avis, c’est Mohamed Sylla. On en est très content ! Ismail Diallo, qui joue un petit peu moins actuellement, est un garçon en plein progrès par rapport à nos demandes. Le championnat de National découvre de nouveaux joueurs, et a le plaisir d’en revoir d’autres qui y ont déjà réussi. Les recrues ont été une vraie plus-value pour notre effectif cette année. Dès ma nomination, on a travaillé tout de suite de concert avec la cellule de recrutement. On se projettera désormais avec Paul Fauvel, le nouveau directeur général chargé du volet administratif et financier.

Est-ce que vous avez noté des profils qui pourraient venir renforcer l’effectif la saison prochaine ?

On commence déjà à se projeter sur la saison prochaine pour savoir s’il y a des secteurs où il faudrait qu’on soit plus fort, et s’il y a des profils sur lesquels on doit réfléchir à une vente pour la nécessité financière du club. Les besoins sont quasiment identifiés en fonction des fins de contrats et des jeunes en formation qui peuvent monter. Avec le coach du National 3 Christophe Point et le directeur du centre de formation Stéphane Roche, on échange sur les profils qui pourront intégrer l’équipe première en se posant plusieurs questions : combien de temps il leur faudrait, dans quelles conditions, et ce qu’ils pourront apporter. Au cours du mois de décembre, on a également réalisé des entretiens de mi-parcours pour savoir si nos joueurs s’inscrivaient dans la durée.

Vous venez du football amateur au sein duquel vous avez brillé, en disposant de moyens limités, avec le club de Saint-Pryvé. Avez-vous perçu des différences de fonctionnement dans le football professionnel, et plus particulièrement au DFCO ?

La différence notable, ce sont les conditions de travail. Aujourd’hui, je peux me consacrer encore davantage à la gestion humaine de l’effectif, à l’étude de l’adversaire avec de l’analyse vidéo, et au contenu des séances d’entraînement. Au DFCO, encore plus qu’ailleurs, on a la chance d’avoir des infrastructures incroyables et des habitudes de travail liées au très haut niveau. Le club hérite d’une culture et d’une expertise de Ligue 1, avec des membres du staff qui ont participé aux différentes épopées telles que la montée et les cinq saisons consécutives en Ligue 1. L’entraîneur des gardiens Magno Macedo Novaes, et l’entraineur adjoint Frédéric Sammaritano ont respectivement joué à un très haut niveau au poste de gardien et au poste de milieu de terrain ou d’attaquant. C’est une vraie plus-value dans l’exigence et la connaissance du milieu.

Les infrastructures du DFCO amènent beaucoup de confort, mais il ne faut pas que cela devienne un désavantage. On a du matériel de pointe pour le travail de musculation, la prévention et les retours de blessure, les soins médicaux et la récupération. En plus d’en profiter, on doit chaque jour mesurer la chance que l’on a ensemble, staff et joueurs, de bénéficier de ces structures et de vivre dans un tel lieu pour continuer à progresser.

Texte : Pierre Bruynooghe / Photographie : Jonas Jacquel