Armand Heitz : La viticulture de demain

Rédigé le 11/10/2024
par Aurélie Boudenia

Armand Heitz aime se présenter comme un paysan amoureux du terroir bourguignon et de ses traditions. Propriétaire d’un domaine d’exception au cœur de la Côte de Beaune, il a accepté de nous recevoir à Mimande pour nous parler de sa vision de l’agriculture en général, et de la viticulture en particulier. Une vision à la fois tournée vers l’avenir, consciente des effets déjà concrets du changement climatique, et inspirée de pratiques ancestrales et du « bon sens paysan ».

Armand Heitz a fait de la viticulture durable son cheval de bataille. Et cela passe selon lui par une adaptation du mode de conduite. Les récoltes et l’évolution des terres et du climat sont autant de facteurs qui l’ont poussé à un constat : les cépages traditionnels de la Bourgogne, tels que le pinot noir et le chardonnay, sont de moins en moins adaptés à la région, qui n’échappe d’ores et déjà pas au réchauffement climatique, potentiellement fatal pour le vignoble local. Autre préoccupation majeure : ces cépages sont très dépendants des produits phytosanitaires pour lutter contre les maladies (oïdium et mildiou).

« Même si je bouscule quelques codes, je reste fier du terroir pour lequel je travail ». Armand Heitz, paysan engagé

Penser à contre-courant

Sans aller jusqu’à parler de solution miracle, le recours aux hybrides pourrait être un levier important pour obtenir des cépages naturellement plus résistants, à la fois aux maladies, au gel ou à la sécheresse. « Les hybrides sont dans l’imaginaire collectif souvent associés aux OGM, mais ça n’a rien à voir », confie Armand. Pas besoin d’être généticien pour créer des hybrides : il suffit d’être bon jardinier et de maîtriser le concept de fécondation d’un ovule végétal par le pollen d’une autre plante de la même espèce. Revenir intelligemment à un savoir multiséculaire de la nature, ainsi pourrait être résumé le projet du paysan engagé.
Lorsqu’on lui parle « AOC », Armand tâche d’être pédagogue pour nous expliquer le paradoxe d’appellations qui valorisent les terroirs mais parfois les desservent. « Les AOC ne reconnaissent pas les cépages hybrides, pourtant plus durables sur certains terroirs que les cépages autorisées qui nécessitent des traitements phytopharmaceutiques », rapporte Armand. Les vins produits sur les terres de Bourgogne à partir de ces cépages « interdits » par le cahier des charges de l’AOC, sont contraints de se voir déclassés en Vin de France. Pas de quoi stopper Armand Heitz.

Bâtir son propre modèle

Une parcelle de 70 ares près de Meursault accueille deux cépages hybrides, justement baptisés « interdits » par Armand. Le souvignier gris et le voltis sont des cépages qui appellent beaucoup moins de traitements ou de labours. Si ces expérimentations l’excluront de l’appellation « coteaux bourguignons », cela ne suffira pas à venir à bout de l’affection particulière du vigneron pour sa région. « Même si je bouscule quelques codes, je reste fier du terroir pour lequel je travaille », avoue-t-il. Son objectif ? Bluffer les plus réticents, en faisant suivre à ses vins issus de cépages hybrides un schéma de vinification des plus typiquement bourguignons. Sa trentaine d’années est loin d’être synonyme de naïveté. Armand Heitz a fait sienne une approche paysanne, consciente des enjeux qui s’offrent à lui. Parmi eux, la nécessité d’une permaculture et l’inévitabilité d’un retour à des cultures variées. « Seul un écosystème diversifié peut se prétendre équilibré », affirme-t-il quelques instants avant de croiser le chemin d’une grenouille dans le parc de son château. Et c’est à ce genre d’écosystème qu’Armand a fait une place, dans son domaine. De la vigne au miel, en passant par les céréales et les élevages bovins et ovins, c’est une belle variété de mets et de breuvagesquelepropriétaireproduit,dans une synergie complète.

Préférer l’agriculture intelligente à l’intelligence artificielle, cela passe, comme Armand le dit, par être capable de « savoir revenir en arrière, lorsque l’agriculture était viable et durable ». C’est moins par nostalgie que par goût de l’avenir et souci de la viabilité d’une terre précieuse, qu’Armand Heitz a choisi cette voie. Voilà, finalement, le prix de ses produits du terroir, qui sont à retrouver dans les bonnes adresses de la région, et bien sûr à l’achat et à la dégustation au Cellier de Pommard et au Château de Mimande.

Armand Heitz
1, rue du Château à Chaudenay
chateau@armandheitz.com
0665657426 / www.armandheitz.com

Texte : Alban Salmon / Photographie : Jonas Jacquel